Influenceurs ou influvoleurs ?

La crédibilité des influenceurs sur les réseaux sociaux est un sujet brûlant qui soulève des interrogations profondes quant à la confiance accordée à ces figures numériques. Sociologiquement parlant, les influenceurs sont perçus comme des leaders d’opinion virtuels, capables de modeler les comportements et les opinions des masses. Cependant, la surabondance de collaborations rémunérées, de contenus sponsorisés et de mises en scène sur les réseaux sociaux a progressivement érodé la confiance des utilisateurs. La frontière entre recommandation authentique et publicité déguisée devient floue, sapant ainsi la crédibilité des influenceurs.

De la promotion aux scandales

Psychologiquement, cette perte de confiance peut être attribuée à un phénomène connu sous le nom de « dissonance cognitive ». Lorsque les consommateurs perçoivent un écart entre les actions d’un influenceur et les valeurs qu’il prétend défendre, cela crée un malaise qui remet en question leur crédibilité.

De plus, la pression constante pour maintenir une image parfaite peut conduire les influenceurs à sacrifier leur authenticité au profit de l’esthétique et de la conformité aux normes de l’industrie. Cette quête incessante de likes et de followers peut engendrer une perte de connexion avec leur public, alimentant ainsi les doutes sur leur intégrité.

Les scandales impliquant des influenceurs faisant le promotion de produits de dropshipping de qualité médiocre, et même l’achat de faux abonnés ou de likes ont également contribué à ternir leur réputation. Ces pratiques trompeuses sapent la confiance des utilisateurs et alimentent le sentiment de trahison, renforçant ainsi les doutes sur la crédibilité de l’ensemble de la communauté des influenceurs. Le terme « influenceur » s’est ainsi transformé en « influvoleur » reflétant une perception négative associée à ceux qui abusent de leur notoriété.

Rétablir la confiance

En réponse à ces préoccupations croissantes, les consommateurs deviennent de plus en plus sceptiques et exigeants. Ils recherchent des signes de transparence, d’authenticité et d’intégrité chez les influenceurs, et sont prêts à les sanctionner s’ils jugent qu’ils trahissent leur confiance.

L’opération « coup de balai » réalisée récemment par la Commission européenne visait ainsi à vérifier si les influenceurs signalent leurs activités publicitaires comme l’exige le droit de l’Union en matière de protection des consommateurs.

Les résultats de l’opération

Sur les publications de 576 influenceurs sur les principales plateformes de médias sociaux, 97 % publient des publications à contenu commercial, mais seulement 20 % le signalent systématiquement. Cela peut induire en erreur les consommateurs qui pourraient ne pas être conscients qu’ils sont exposés à du contenu promotionnel. 78 % des influenceurs exercent une activité commerciale, mais seuls 36 % sont enregistrés au mépris des implications juridiques et fiscales de leur activité. 38% des influenceurs n’ont pas utilisé les mentions de plateforme qui servent à signaler des contenus commerciaux, préférant des formulations différentes telles que « collaboration » ou « partenariat » trop vagues. 40% des influenceurs ont recommandé leurs propres produits, services ou marques, sans toujours divulguer clairement qu’il s’agissait de publicité.

Panel des créateurs de contenus audités

  • 82 influenceurs comptaient plus de 1 million d’abonnés,
  • 301 plus de 100 000
  • 73 entre 5 000 et 100 000.

Des influenceurs actifs sur différentes plateformes :

  • 572 publiaient sur Instagram,
  • 334 sur TikTok, 224 sur YouTube,
  • 202 sur Facebook,
  • 82 sur X (anciennement Twitter),
  • 52 sur Snapchat,
  • 28 sur Twitch.

Les principaux secteurs d’activité concernés sont, par ordre décroissant : la mode, l’art de vivre, la beauté, l’alimentation, les voyages et le fitness/sport.

119 influenceurs ont été considérés comme promouvant des activités malsaines ou dangereuses, telles que la « mal-bouffe », la consommation de boissons alcoolisées, des traitements médicaux ou esthétiques, les jeux d’argent et de hasard ou des services financiers tels que le trading sur cryptomonnaies.

En conclusion, la crédibilité des influenceurs sur les réseaux sociaux est mise à rude épreuve en raison de divers facteurs sociologiques et psychologiques. Pour regagner la confiance du public, les influenceurs doivent embrasser l’authenticité, la transparence et l’intégrité, tout en reconnaissant l’impact de leurs actions sur leurs followers. Seule une approche honnête et éthique permettra de restaurer la crédibilité perdue et de maintenir une relation de confiance avec leur audience.


Lire :

https://france.representation.ec.europa.eu/informations/il-ressort-dune-enquete-menee-par-la-commission-et-les-autorites-de-protection-des-consommateurs-que-2024-02-14_fr

https://www.lesoir.be/563878/article/2024-01-25/litalie-serre-la-vis-aux-influenceurs-apres-un-scandale-autour-de-brioches-de

https://www.liberation.fr/economie/economie-numerique/influenceurs-les-scandales-senchainent-et-les-francais-demandent-a-letat-dencadrer-le-secteur-20230215_C2HCFKQQYZELXDIWMINPDTL4OE/

https://www.lemonde.fr/pixels/article/2024/03/13/application-de-la-loi-influenceurs-encore-du-chemin-a-parcourir-malgre-un-premier-bilan-encourageant_6221833_4408996.html